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Mes écrits

Disparition

"Par bonheur, il ne se passait rien de grave au même moment dans la petite ville de province".

 (15 février 1987 - 2h35)

 

La maison semblait pourtant habitée lorsque le commissaire Saquin s'apprêtait à y pénétrer. Du dehors, il voyait plusieurs fenêtres éclairées à l'étage comme au rez-de-chaussée.

 Il venait de se garer en face d'une ravissante villa entourée d'un jardin fleuri de très bonne taille. Il pouvait estimer la richesse des habitants en regardant sur le côté droit de la bâtisse. Il y a en effet trois portes de garage fermées et devant chacune d'elles une somptueuse voiture en stationnement.

Ce n'est pas dans les habitudes du commissaire que d'aller chez les gens, comme cela, en fin d'après-midi. Mais là, un appel curieux avait tout particulièrement attiré l'attention du standardiste du commissariat. La voix anonyme demandait que le commissaire Saquin, et lui seul, se rende au 17 de la rue Calico.

 Averti de cet appel, ni une ni deux, le commissaire prenait sa voiture et direction rue Calico.

Aucun problème pour se garer devant le 17 car la rue ne comporte qu'une dizaine de maisons, à bonne distance les unes des autres.
 
En s'approchant de la porte d'entrée, le commissaire entendit une radio, une télévision ou une chaîne haute fidélité. Le son était fort. Là encore, aucun doute possible, les occupants de la maison semblaient bien là, du moins certains d'entre eux.
 
Alors pourquoi?
 
Alors pourquoi personne n'ouvre au commissaire qui sonne pour la quatrième fois.
 
Tout d'abord, le commissaire pensa que le son de la musique couvrait ses appels répétés. Pourtant, lorsque l'on demande à un commissaire de police de se déplacer, on l'attend, on le guette, on surveille sa venue. Là, non.
 
Sans doute n'étaient-ce pas les habitants des lieux qui avaient fait voici maintenant quinze bonnes minutes le numéro de la police.

 Saquin pensa bien à ouvrir la porte, mais il n'avait rien, vraiment rien de solide pour justifier une telle intervention, une violation de domicile.

 Il retourna vers sa voiture, claxonna à plusieurs reprises, rien. Toujours rien. A croire que dans ce quartier huppé, personne ne s'intéresse à ce qu'il se passe au dehors.

 Il revint alors vers la porte et tenta de l'ouvrir. Il y parvint sans aucune peine. Il lança de sa voix la plus forte le nécessaire : "Y'a-t-il quelqu'un ?".

 Aucune réponse.

 Il s'avança dans la maison, pénétra dans le salon où le téléviseur dévidait pour personne plus de décibels que nécessaire. Il coupa le son pour s'appercevoir que de la muisque arrivait aussi de l'étage. Avant de monter, il fit le tour du rez-de-chaussée. Rien.

 Dans la cuisine, sur la gazinière, le lait encore chaud avait débordé de la casserole.Saquin commença à ressentir une certaine angoisse. Certes il avait vu des cadavres par dizaine, des situations dangereuses mais là, il ne voyait rien, il ne savait rien. Biensûr, il eut pu repartir mais sa curiosité l'emporta sur son bon sens.

 Il monta l'escalier de bois ciré. A l'étage, rien, il n'eut qu'à éteindre la chaîne sur laquelle tournait un trente centimètres aux deux tiers de son écoute. Saquin pu ainsi déterminer que le disque avait été placé là quinze minutes plus tôt, pas plus.

Il repensa au lait encore chaud.

 Le commissaire dévala les escaliers et appela des renforts.

En les attendant, il inspecta les lieux avec beaucoup plus de précisions. Toute la maison y passa, de la cave au grenier. Rien.

 Avec ses hommes, il chercha une explication logique à tout cela, ils n'en trouvèrent point.

 Ils rentrèrent tous au commissariat, bredouilles.

 Le commissaire compris le lendemain qu'il avait été la victime d'une plaisanterie fomentée par le fils de la famille.

 Alors que la famille s'apprêtait à partir en voiture, l'adolescent prétextant une envie pressante avait fait bouillir le lait, téléphoné au commissariat, allumé quelques lumières, la chaîne et la télévision. Il prit bien soin de ne pas fermer à clef la porte d'entrée.

 Pour découvrir tout cela, le commissaire avait du revenir à la villa du 17 rue Calico et y mener son enquête.

 Thierry fut long à avouer sa plaisenterie.

 Saquin calma le père mécontent en lui disant qu'il n'y avait rien de bien grave.

 Le père fit toutefois remarquer que cela aurait pu être dramatique si au moment où les forces de police étaient bloquées pour une plaisanterie, un vrai drame s'était déroulé à l'autre bout de la ville. Thierry aurait pu être responsable du drame.